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Consacrer une initiative législative citoyenne

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 39 —

Rédacteur(s)

TÜRK Pauline

Proposition(s)

VII. La participation des citoyens

42.A Initiative législative citoyenne

Révision de l’article 39 pour que toute proposition de loi soutenue par cinq cent mille citoyens soit examinée par les assemblées parlementaires.

1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

Chacun connaît la situation de la démocratie représentative en France. Il convient de favoriser le rapprochement entre les représentants et les représentés, de favoriser la confiance et non de créer de nouvelles modalités de concurrence, de nouveaux outils d’expression de la défiance. Il faut aussi donner des moyens d’expression aux citoyens, qui le réclament incessamment. 

Il n’existe aucune possibilité d’expression citoyenne en matière d’initiative législative. 

Le référendum d’initiative partagée bâti en 2008 n’est en aucune façon un référendum d’initiative populaire. Il ne permet pas non plus l’initiative législative citoyenne. Il a certes le mérite de créer une passerelle entre les citoyens et leurs élus en impliquant de leur part une collaboration pour faire émerger une proposition de loi.  Mais ce dispositif, on le sait, est inadapté et peu effectif, à raison des conditions trop strictes prévues, et notamment de l’exigence d’un seuil de signataires trop difficile à atteindre, fixé à 1/10e des électeurs inscrits.

Pourtant, à l’étranger, des mécanismes existent, qui peuvent nous inspirer, malgré la différence de nos traditions juridiques et politiques : 

En Italie, en vertu de l’article 71 al 2 de la Constitution, le peuple exerce l’initiative législative au moyen de la proposition, par cinquante mille électeurs au moins, d’un projet rédigé sous la forme d’articles.

En Espagne, l’article 87 al 3. de la Constitution prévoit qu’une loi organique fixe les modalités et les conditions de l’initiative populaire pour la présentation de propositions de loi soutenues par au moins 500.000 signatures authentifiées. Cette initiative n’est pas autorisée pour les questions relatives aux actes organiques, à la fiscalité, aux affaires internationales ou à la prérogative de grâce.

En Pologne, l’article 118 de la Constitution prévoit que l’initiative législative appartient également à un groupe de cent mille citoyens au moins, jouissant du droit de vote pour la Diète. La procédure en la matière est définie par la loi.

En Slovénie, aux termes de l’article 88 de la Constitution, un projet de loi peut être proposé par au moins 5000 citoyens inscrits sur les listes électorales.  

A l’échelle de l’Union européenne, le mécanisme de l’initiative citoyenne européenne, en application de l’article 11 al. 4 TUE et 24 al. 1 TFUE, permet aux citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, de soumettre une proposition d’acte législatif à la Commission européenne.

On voit mal ce qui s’oppose, en France, à l’ouverture de l’initiative législative aux citoyens. En revanche, on en mesure les avantages.

2. Le remède : la proposition

Il s’agit de remédier à l’absence de moyen donné aux citoyens pour porter au débat national une proposition de réforme.

Il s’agit d’ouvrir une possibilité pour les citoyens d’obtenir non pas l’organisation d’un référendum, ce qui est une autre question, mais bien, ici, le droit de déposer une proposition de loi sur le Bureau de l’une ou l’autre des assemblées.

Il convient aussi d’organiser le mécanisme de façon à assurer, sous certaines conditions de recevabilité précises à définir, l’inscription à l’ordre du jour des propositions recevables, à charge pour les parlementaires de décider des suites à donner à ce débat législatif, dans le cadre d’une démocratie représentative modernisée.

Il nous paraît judicieux de laisser au législateur organique le soin de définir les conditions de recevabilité de ces propositions, et éventuellement d’exclure certaines matières, sur le modèle espagnol.  

En revanche, devrait être fixé par la Constitution  le seuil de signatures exigées, dont on a pu mesurer l’importance à la lumière de l’échec du référendum d’initiative partagée prévu par l’article 11 Const.

Il est donc proposé d’insérer à l’article 39, qui organise l’initiative législative, logiquement après le premier alinéa, donc sous la forme d’un 2e alinéa, la formulation suivante : 

« Toute proposition de loi soutenue par 500 000 citoyens doit être examinée par les assemblées parlementaires. La loi organique précise les conditions de dépôt en ligne, de recevabilité, d’inscription à l’ordre du jour et d’examen de ces initiatives ».

3. Les effets escomptés et leur justification

L’initiative des lois serait ainsi ouverte au Premier ministre, aux membres du Parlement, mais aussi aux citoyens, à condition de réunir au moins 500 000 signatures dans des conditions précisées par le législateur organique. 

Cela placerait la France dans la liste des Etats qui ouvrent l’initiative des lois aux citoyens, rompant avec une conception de la démocratie représentative devenu étouffante. 

Cela offrirait aux citoyens un moyen de s’exprimer et d’être entendus, salutaire dans une époque où l’on multiplie les conventions citoyennes et autres forums parallèles aux assemblées parlementaires faute pour le Parlement d’apparaître comme le lieu du débat public.

Cela permettrait de créer une passerelle entre les citoyens et leurs élus nationaux, permettant à ceux-ci d’étudier et de débattre directement des propositions de ceux-là, dans le cadre d’une démocratie représentative plus ouverte.

Il convient aussi d’assumer le rôle joué par les groupes d’intérêts, dont on ne peut ignorer qu’ils exercent une influence sur les organes de pouvoir, et dont il convient d’assumer le rôle utile en tant que partie prenante de notre société démocratique. L’initiative citoyenne législative est aussi un mécanisme de transparence, à cet égard.

Article 39

L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.

Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat et déposés sur le bureau de l’une des deux Assemblées. Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. Sans préjudice du premier alinéa de l’article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.

La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours.

Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose.

Article 39

L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.

Toute proposition de loi soutenue par 500 000 citoyens doit être examinée par les assemblées parlementaires. La loi organique précise les conditions de dépôt en ligne, de recevabilité et d’examen de ces initiatives.

Le reste sans changement.