1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
Avec la Constitution du 4 octobre 1958 et à sa suite, l’ordonnance du 2 janvier 1959, la 5ème République a établi les bases d’un nouveau rapport entre les pouvoirs législatif et exécutif. Pour lutter contre l’instabilité ministérielle des républiques précédentes, Charles de Gaulle a introduit un parlementarisme rationalisé et a souhaité circonscrire le domaine de la loi et, en particulier, les compétences du législateur en matière d’adoption des lois de finances.
C’est notamment avec l’article 40 de la Constitution que le constituant a entendu restreindre le pouvoir d’amendement des parlementaires. Selon ces dispositions, le Parlement ne peut, en effet, formuler de propositions de loi ou d’amendement ayant pour effet d’augmenter le montant de la charge publique ou de diminuer le montant des ressources publiques[1].
En 1976, les sénateurs ont tenté – avec succès – d’étendre leur pouvoir d’amendement en proposant une interprétation inédite des dispositions constitutionnelles. Alors que le singulier est employé pour la charge publique mais que le pluriel est utilisé pour les ressources publiques, le Sénat a entrepris de modifier son règlement intérieur afin de pouvoir moduler à la hausse mais également à la baisse, le montant des ressources publiques – l’emploi du pluriel permettant de raisonner non pas ressource par ressource mais dans une globalité, sous la réserve que ce soit le montant global des ressources qui ne soit pas diminué. Saisi de la constitutionnalité de ces dispositions, le Conseil constitutionnel a validé cette interprétation dans une décision du 2 juin 1976 (Cons. Const. 2 juin 1976, Résolution tendant à modifier et à compléter certains articles du règlement du Sénat, 64 DC). Un demi succès toutefois puisqu’il faut bien relever que cette extension de compétences n’a pu être envisagée qu’en matière de ressources (en raison de l’emploi du pluriel) et ne pouvait l’être en matière de charge – l’emploi du singulier supposant que les contraintes résultant de l’article 40 de la Constitution s’appliquent charge par charge et non sur un montant global de charges.
2. Le remède : la proposition
Il s’agit d’assouplir les règles de recevabilité financière des amendements en étendant en matière de charges, le pouvoir détenu par les parlementaires en matière de ressources.
A l’occasion de la LOLF, les parlementaires avaient obtenu une avancée en obtenant que la charge au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, soit entendue au niveau de la mission (art. 47 LOLF). Cette modification organique avait conduit à interpréter différemment les dispositions constitutionnelles en permettant l’exercice d’un pouvoir d’amendement au sein de chacune des missions qui composent le budget de l’Etat.
Une avancée significative mais qui donnait quand même l’impression d’un entre deux : les parlementaires n’obtenaient pas en matière de charges un pouvoir comparable à celui exercé en matière de ressources.
Pour obtenir un tel pouvoir, il aurait fallu pouvoir exercer ce pouvoir d’amendement entre ces missions. Pour l’obtenir, la solution consiste à introduire le « s » là où il manque, à savoir au niveau de la charge. C’était une proposition du Comité Balladur, étendre le pouvoir d’amendement des parlementaires en reconnaissant irrecevables les amendements entraînant une aggravation des charges publiques et non d’une seule charge publique.
C’est cette proposition que nous proposons de reprendre.
3. Les effets escomptés et leur justification
L’introduction du « s » permet d’envisager un redéploiement possible, par voie d’amendement, des crédits répartis entre les missions du budget de l’Etat.
La réforme proposée s’inscrit dans la suite logique de la LOLF avec la perspective d’une rénovation du pouvoir budgétaire du Parlement.
[1] Sur le renouveau de ce pouvoir d’amendement, voir xxx
Article 40
Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.
Article 40
Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit une aggravation des charges publiques.