Résumé : Cette proposition s’inscrit dans le cadre d’un scenario privilégiant un contrôle de constitutionnalité de la loi plus politique et plus dialogique, prenant acte des critiques relatives à la légitimité de la justice constitutionnelle dans son principe (et non dans son exercice). Elle propose également un renforcement du contrôle de constitutionnalité des décisions juridictionnelles.
1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
L’établissement d’une véritable justice constitutionnelle en France n’a jamais fait l’objet d’un débat public, y compris lors de la révision constitutionnelle de 2008 instaurant la QPC. Elle fut initiée en France par le Conseil constitutionnel, sans que le pouvoir constituant ne s’en préoccupe (sauf à la marge, en 1974) et fut renforcée par la suite, avant d’être avalisée en 2008. Il reste que dans son principe même, elle pose un certain nombre de difficultés résumées dans la difficulté contremajoritaire, qui trouve, dans notre pays, un écho singulier en raison de son histoire légicentriste. Par ailleurs la justice constitutionnelle française semble produire une forme d’infantilisation du législateur, lequel ne poursuit pas tant l’objectif de respecter la Constitution que de faire en sorte de la contourner le plus discrètement possible, tout en étant affaibli dans sa marge de manœuvre. En outre, l’infantilisation se manifeste également dans la marginalisation de sa responsabilité en cas de censure du Conseil constitutionnel, renvoyant à ce dernier le soin d’en assumer les conséquences. Ce n’est sans doute pas digne d’un régime parlementaire digne de ce nom.
Enfin, la justice constitutionnelle française a ceci de paradoxal qu’elle cantonne bel et bien le pouvoir politique sans s’intéresser au pouvoir juridictionnel, là où un certain nombre de pays considérés comme des hauts lieux du contrôle de constitutionnalité s’y exercent pourtant et alors même que le pouvoir judiciaire peut être considéré comme ayant acquis une puissance considérable en France au XXIe siècle.
Il n’est pas question de défendre ici telle ou telle vision morale ou politique de la justice constitutionnelle mais bien de proposer, dans un scenario qui s’y prêterait, une autre manière de garantir la constitutionnalité des actes juridiques, qui apparaît plus conforme à la tradition française.
2. Les remèdes
D’une part, il s’agit de proposer d’instaurer un contrôle de constitutionnalité des lois plus dialogique, en supprimant les effets des décisions du Conseil constitutionnel, et en renvoyant au législateur le soin de décider de la marche à suivre, à la suite d’une déclaration d’incompatibilité. Différents systèmes pratiquent ce constitutionnalisme dialogique de diverses manières dans le monde et à différents degrés (Royaume-Uni, Canada, Nouvelle-Zélande, Portugal). L’on retient ici une formule assez simple permettant au Parlement de rejeter, à la majorité simple et dans le cadre d’une motion de validation constitutionnelle (ou de contournement, mais il est préféré ici la formulation positive), une déclaration d’incompatibilité, c’est-à-dire de maintenir en vigueur les dispositions d’une loi déclarées non conforme à la Constitution.
D’autre part, il s’agit d’attribuer au Conseil constitutionnel le soin de trancher en dernier ressort de la constitutionnalité des décisions de justice dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité. Il s’agit également de codifier la pratique du contrôle de l’interprétation législative constante par une juridiction.
3. Effets escomptés
Plusieurs effets sont attendus : une revalorisation du Parlement par le pouvoir du dernier mot et le renforcement de sa fonction délibérante ; une responsabilisation des parlementaires ; l’amélioration de l’acceptabilité de la justice constitutionnelle par les citoyens et leurs représentants ; l’amélioration de la qualité de la loi et des décisions de justice ; le renforcement des droits des citoyens et de la démocratie.
Titre VII – Le Conseil constitutionnel
Article 61-1
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article.
Titre VII – Le Conseil constitutionnel
Article 61-1
Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative ou l’interprétation constante qui en est donnée porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Le Conseil constitutionnel peut également être saisi, dans un délai de 15 jours, de la constitutionnalité, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, d’une décision de justice rendue en dernier ressort.
Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article.
Article 62
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Article 62
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée 5 jours après à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Les effets des décisions du Conseil constitutionnel mentionnés aux trois alinéas précédents sont annihilés par l’adoption d’une motion de validation constitutionnelle. Celleci peut être déposée dans les 3 jours suivant la publication de la décision, par 60 députés ou 60 sénateurs. Le vote doit avoir lieu, à l’Assemblée nationale et au Sénat, dans les 48H suivant son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant les deux assemblées.