1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
La laïcité constitue l’un des fondements de la République française.
La loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, clef de voûte de la laïcité en France, prévoit que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Le contexte et les conditions de son élaboration sont bien connues. Ses inspirations sont libérales et anticléricales. Elle se comprend comme une garantie de la non-interférence de l’Etat dans l’organisation du culte, et réciproquement des autorités religieuses dans la conduite de l’Etat. Elle garantit la liberté de chacun de choisir et pratiquer sa religion, l’égalité des citoyens quel que soit leur culte, la neutralité de l’Etat vis-à-vis des religions.
L’article 13 du préambule de 1946 prévoit que « L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ».
Le premier alinéa de l’article 1 er de la Constitution de 1958 prévoit que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».
Le fait est que l’interprétation qui est faite du principe de laïcité, dans un contexte socio-politique qui a beaucoup évolué, varie dans le discours politique (laïcité « positive », « constructive », « défensive ») comme dans la jurisprudence.
Pour quelques exemples :
CCel 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour l’Europe : = la participation de la France à l’Europe ne remet pas en cause la marge d’appréciation de l’Etat français concernant l’application du principe de laïcité, tradition constitutionnelle nationale « qui aboutit à interdire de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».
CE 16 mars 2005 Ministre de l’outre mer / gouvernement de Polynésie : Considérant, d’une part, que le principe constitutionnel de laïcité qui s’applique en Polynésie française et implique neutralité de l’Etat et des collectivités territoriales de la République et traitement égal des différents cultes, n’interdit pas, par lui-même, l’octroi dans l’intérêt général et dans les conditions définies par la loi, de certaines subventions à des activités ou des équipements dépendant des cultes ;
Décision CCel n° 2009-591 DC du 22 octobre 2009 : « le principe de laïcité ne fait pas obstacle à la possibilité pour le législateur de prévoir, sous réserve de fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels, la participation des collectivités publiques au financement du fonctionnement des établissements d’enseignement privés sous contrat d’association selon la nature et l’importance de leur contribution à l’accomplissement de missions d’enseignement »
Décision CCel n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité [Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du HautRhin et de la Moselle : que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu’il en résulte la neutralité de l’État ; qu’il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu’il implique que celle-ci ne salarie aucun culte ;
Sans qu’il soit besoin de le souligner, les difficultés se succèdent, qu’il s’agisse de la construction d’édifices culturels manquants ou du financement de la rénovation d’édifices cultuels existants, qu’ils s’agissent de l’accompagnement de sorties scolaires, de personnels de crèche, de subventions accordées ou refusées à des opérations ayant un caractère directement ou indirectement cultuel.
Des « zones grises » perdurent ou apparaissent, s’agissant du sens et de la portée à donner au principe de la laïcité. Celui-ci est parfois contourné, parfois brandi ou instrumentalisé dans des sens parfois contradictoires.
Les assemblées parlementaires débattent tour à tour de propositions de lois constitutionnelles visant à préciser le contenu du principe de laïcité.
Exemple de la proposition de loi constitutionnelle 133 du 21 novembre 2022 confortant le principe de laïcité par la consécration du deuxième article de la loi de 1905, insérant à l’article premier de la Constitution une phrase ainsi rédigée : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
Parmi beaucoup d’autres, des propositions tendent à ajouter à l’article 1er de la Constitution le principe selon lequel « nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer de la règle commune ».
2. Le remède : la proposition
Préciser dans la Constitution la conception française de la laïcité.
S’accorder autour de ce que laïcité veut dire.
Protéger et faire respecter plus efficacement le contenu du principe.
Préciser que le principe de laïcité renvoie à la neutralité de l’Etat, qu’il impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction et qu’il interdit de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.
Cela correspond à l’état de la jurisprudence constitutionnelle.
L’inscrire dans le texte de la Constitution mettrait fin à des débats contreproductifs.
3. Les effets escomptés et leur justification
Article 1er
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.
Article 1er
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
Le principe de laïcité impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction ; il interdit de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.