1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
Le débat sur la constitutionnalisation du droit à l’avortement est réanimé, en France, depuis la déconstitutionnalisation de ce droit, à l’échelle fédérale, par la Cour suprême américaine (CS 2022 Dobbs v. Jackson Women’s Health).
L’importation de ce débat en France peut faire débat.
Certes en France le droit à l’avortement n’est pas remis en cause. Il est protégé et encadré par la loi.
Cependant, une évolution du contexte socio-politique est possible, qui pourrait le remettre en cause. Et des difficultés pratiques de mise en œuvre de ce droit sont déjà perceptibles.
Une consécration constitutionnelle serait, à cet égard, pour l’avenir, autant un signal qu’une garantie.
2. Le remède : la proposition
Il ne s’agit pas de proclamer un « droit à l’avortement » au frontispice de la Constitution, dans ses premiers articles (voire son article 1), ce qui ne semble pas pertinent.
Comme d’autres droits, celui des femmes à recourir à l’avortement n’est pas absolu et doit être encadré, pour protéger la femme autant que l’enfant à naître, à partir d’un certain stade de la vie.
Il ne s’agit pas non plus de reprendre la proposition de loi constitutionnelle adoptée à l’Assemblée nationale en novembre 2022, prévoyant d’inscrire l’article 66 (consacrant la liberté individuelle) que la « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse ».
Pour des raisons déjà envisagées à propos d’autres droits, l’article 34 pourrait accueillir ce droit, en prévoyant que la loi le réglemente.
Cela aurait le mérite de le prévoir dans la constitution, tout en prévoyant aussi l’encadrement dont il doit faire l’objet.
Il s’agit donc de s’inspirer, plutôt, de la solution de compromis adoptée en février 2023 au Sénat : avait été choisi d’ajouter un alinéa à l’article 34 de la Constitution selon lequel « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. »
3. Les effets escomptés et leur justification
Objectif : prévoir dans la Constitution que le droit des femmes de disposer de leur corps et d’interrompre une grossesse non désirée doit faire l’objet d’une loi. Ce qui revient à le consacrer.
Il s’agit cependant d’une consécration a minima, via l’ajout d’un alinéa à l’article 34.
Cela permet de renforcer la compétence du législateur et non celle du juge constitutionnel (si celui-ci avait à interpréter un droit à l’avortement imprudemment inséré à l’article 1, ou rattaché à la liberté individuelle via l’article 66).
Cela ne change rien. Et cela change tout.
Article 34
Article 34
La loi fixe les règles concernant :
- Les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ;
Le reste sans changement