1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante instituée par la révision constitutionnelle de 2008 en remplacement de quatre anciennes entités : le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). L’article 71-1 de la Constitution lui est consacré et la loi organique n° 2011-333 ainsi que la loi ordinaire n° 2011-334 précisent ses attributions, ses pouvoirs et ses missions. En l’occurrence, lesdites missions sont essentiellement de défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et de permettre l’égalité de tous dans l’accès aux droits. Le Défenseur des droits tient donc un rôle essentiel dans la promotion et la garantie des droits fondamentaux des personnes.
Malgré ses nombreuses attributions, le Défenseur des droits ne dispose pas de la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel d’un contrôle a priori des lois. Cette attribution était pourtant envisagée par le Comité de réflexions et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République présidé par Édouard Balladur et qui est à l’origine de la révision constitutionnelle de 2008. Il était en effet proposé d’introduire un « Défenseur des droits fondamentaux » au sein d’un nouvel article 78 dont l’alinéa 4 prévoyait la possibilité pour cette autorité de saisir le Conseil constitutionnel dans les conditions fixées par l’article 61 de la Constitution. Au terme de la révision constitutionnelle, ce Défenseur des droits fondamentaux a finalement été dénommé Défenseur des droits, mais cette possible saisine du Conseil constitutionnel n’a pas été retenue. Cet abandon est regrettable dans la mesure où cette faculté donnerait une prérogative efficace et importante au Défenseur des droits pour mener à bien ses missions : sa vigilance à l’égard du respect des droits fondamentaux par les pouvoirs publics pourrait ainsi se manifester lors de l’adoption d’une nouvelle loi, en soulevant devant le Conseil constitutionnel une éventuelle contradiction entre les dispositions d’une loi et les droits fondamentaux constitutionnellement garantis.
2. Le remède : la proposition
La proposition consiste à reprendre, en l’adaptant, les modalités envisagées au sein du Comité « Balladur », à savoir ajouter le Défenseur des droits à la liste des entités susceptible de saisir le Conseil constitutionnel d’un contrôle de constitutionnalité de la loi avant son entrée en vigueur. L’article 61 de la Constitution octroie cette compétence au Président de la République, au Premier ministre, au Président de l’Assemblée nationale, au Président du Sénat ou à soixante députés ou soixante sénateurs. Le Défenseur des droits n’étant pas une entité disposant de la même légitimité que celle figurant dans cette liste, sa faculté pourrait se limiter à son domaine de compétence, à savoir s’assurer du respect des droits et libertés fondamentaux. Ainsi, il conviendrait d’opérer une modification de l’article 61 pour faire figurer le Défenseur des droits et préciser que sa saisine du Conseil constitutionnel ne lui permet que de pointer une contradiction entre une loi nouvelle et les droits fondamentaux garantis par le Constitution, ce que le Conseil constitutionnel devra alors contrôler.
La proposition pourrait également consister en une modification de l’article 71-1 pour ajouter un alinéa relatif à la faculté de saisine du Conseil constitutionnel par le Défenseur des droits, à l’instar de ce qui était envisagé par le Comité « Balladur ». Néanmoins, une modification de l’article 61 semble plus pertinente pour réunir en un seul et même article les entités susceptibles de saisir le Conseil constitutionnel. Une autre voie consistant à modifier concomitamment les articles 61 et 71-1 semble quant à elle à proscrire pour éviter de trouver une disposition matériellement identique en deux endroits de la Constitution. Le choix d’une modification du seul article 61 permet de préserver la clarté rédactionnelle nécessaire à un texte constitutionnel.
3. Les effets escomptés et leur justification
L’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel pour le contrôle a priori des lois ordinaires à la faveur du Défenseur des droits est un moyen de renforcer la protection des droits fondamentaux dans une démarche préventive. Au regard des missions dévolues au Défenseur des droits, cette faculté devrait lui permettre de s’assurer du respect des droits fondamentaux avant même l’entrée en vigueur d’une législation, et ainsi éviter une atteinte aux droits des personnes. Il existe certes le mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité pour mettre en évidence une atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis par une loi en vigueur, mais la démarche est alors curative. Par ailleurs, cette modification devrait permettre d’augmenter les saisines du Conseil constitutionnel pour des contrôles a priori des lois, ce qui est en soi un renforcement de l’État de droit.
Article 61
Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l’article 11 avant qu’elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.
Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs. Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.
Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation.
Article 61
Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l’article 11 avant qu’elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.
Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le Défenseur des droits ou soixante députés ou soixante sénateurs.
Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.
Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation.
Article 71-1
Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office.
La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions.
Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique. Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement.
Article 71-1
Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office.
La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions. Elle détermine également les conditions dans lesquelles il peut intervenir devant le Conseil constitutionnel, lorsqu’il examine une question sur le fondement de l’article 61-1.
Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique. Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement.