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Transfert financier et transfert de compétences

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 72-2 (AL. 4) —

Rédacteur(s)

DUCHARME Théo

Proposition(s)

XV. Les collectivités territoriales

118. Garantir le transfert financier lors d’un transfert de compétence

Révision de l’article 72-2 pour remettre en cause l’absence de calcul glissant et évolutif des transferts financiers issus d’un transfert de compétence ou de toute création ou extension ayant un caractère obligatoire.

1. Les dysfonctionnements 

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 constitue l’étape clé de la reconnaissance d’une autonomie financière pour les collectivités territoriales avec un nouvel article 72-2 de la Constitution. L’objectif était de remédier aux difficultés financières consécutives à l’acte I de la décentralisation initié à compter de 1982. Plus particulièrement, les transferts de compétences réalisées dans le cadre de la décentralisation devaient donner lieu à une compensation financière par le transfert d’impôts d’État et par l’attribution d’une dotation générale de décentralisation (Article 95 de la loi n° 83- 8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements et les régions et l’État). Toutefois, l’expérience passée a montré que les nouvelles ressources ont augmenté beaucoup moins vite que le coût exponentiel des charges ainsi transférées (R. Muzellec et M. Conan, Finances locales, Dalloz, 2022, p. 10).

L’alinéa 4 du nouvel article 72-2 de la Constitution est venu constitutionnaliser une double obligation. D’une part, l’État doit accorder une compensation financière intégrale au transfert de compétences aux collectivités territoriales. C’est-à-dire que le législateur doit prévoir que les collectivités disposent de ressources équivalentes à celles que l’État consacrait à la mise en œuvre de ces compétences à la date du transfert. D’autre part, en ce qui concerne la création ou l’extension de compétences, l’article 72-2 de la Constitution prévoit une compensation financière. 

Le principal dysfonctionnement identifié en l’espèce concerne la première hypothèse : les transferts financiers suivants les transferts de compétences. En effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres) a fortement atténué cette obligation constitutionnelle. Pour le Conseil, « il résulte (de l’article 72-2 de la Constitution) que, lorsqu’il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l’État, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert ». La seule limite par le Conseil est la suivante : « toutefois, que les règles fixées par la loi sur le fondement de ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales au point de dénaturer le principe de libre administration de ces collectivités, tel qu’il est défini par l’article 72 de la Constitution ». La loi organique du 13 août 2004 dispose en ce sens que « Les ressources attribuées au titre de cette compensation sont équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, par l’État, à l’exercice des compétences transférées ». Cette critique s’applique également à la seconde phrase de l’alinéa 4 de l’article 72-2 de la Constitution qui est relatif à la « création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales ».

Ainsi, « Selon une jurisprudence constitutionnelle constante, il en découle que, lorsque l’État transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par lui, le législateur est tenu de compenser celles-ci « au coût historique » par l’attribution des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert. Le montant de ces charges constitue ainsi un droit à compensation (DAC). Fixé de manière définitive au moment du transfert, le DAC n’est pas évolutif, quand bien même les charges liées à l’exercice de la compétence par la collectivité territoriale augmenteraient ou diminueraient » (Charles Guené, avis présenté au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences). À ce titre, l’exemple le plus explicite est celui de l’exercice de la compétence d’aide et d’action sociale par les départements (Cour des comptes, Rapport public annuel 2023, « Les politiques sociales décentralisées : une coordination à conforter, des financements à réformer », 2023).

De plus, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, le Conseil constitutionnel a jugé que l’article 72-2 ne vise que celles qui présentent un caractère obligatoire et ne concerne que les transferts de compétences qui sont intervenus après l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. De même, le législateur n’a pas l’obligation d’affecter une ressource particulière au financement d’un transfert, d’une création ou d’une extension de compétences, ni de maintenir dans le temps une telle affectation. 

Le principal dysfonctionnement résulte du fait que malgré l’organisation de ce calcul par les articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales, les collectivités ne bénéficient pas toujours de transferts financiers suffisants – dans le temps – pour compenser les transferts de compétences ou la création ou l’extension de compétences. Il y a donc une dichotomie entre la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui n’a jamais considéré que l’équation financière liée à l’exercice d’une compétence donnée était de nature à dénaturer le principe de libre administration et la pratique identifiée par certaines collectivités. 

2. Le remède : la proposition

Premièrement, la proposition prévoit d’étendre aux créations ou extensions de compétences le principe de l’octroi de ressources équivalentes comme c’est le cas pour la première phrase de l’alinéa 4 de l’article 72-2 de la Constitution, en assortissant ces créations ou extensions d’une évaluation de l’augmentation des dépenses qui en résulte.

Secondement, l’objectif de la proposition est d’imposer à l’État de prévoir un calcul évolutif des charges financières découlant d’un transfert de compétences ou de la création ou extension de compétences afin de ne pas obérer la capacité d’action des collectivités territoriales qui doivent prendre en charge ces compétences malgré l’augmentation des coûts au fur et à mesure des années. La proposition est donc la suivante : « Les ressources ainsi attribuées pour la compensation des transferts, créations, extensions ou modifications de compétences font l’objet d’un réexamen régulier. Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles les dispositions du présent alinéa sont mises en œuvre. »

Cet examen régulier doit permettre de remettre en cause l’absence de calcul glissant et évolutif des transferts financiers issus d’un transfert de compétence ou de toute création ou extension ayant un caractère obligatoire.  

3. Les effets escomptés 

Les effets sont relativement simples, reprendre les préconisations de la Cour des comptes et de certains sénateurs. S’il existe aujourd’hui des documents budgétaires annexés au PLF (rapport relatif à la situation des finances publiques locales) qui permet d’apprécier « 2° L’évolution des charges résultant des transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales et leurs groupements » (article 52 2° de la LOLF), cette documentation est insuffisante pour s’assurer que les transferts financiers sont suffisants pour exercer les compétences transférées, crées ou étendues. De même le débat qui résulte de cette information ne permet pas d’assurer un financement suffisant, la réponse constitutionnelle à ce dysfonctionnement est donc indispensable. 

Enfin, la proposition renvoie le soin au législateur organique de préciser comment fonctionne concrètement le calcul évolutif des transferts financiers : il s’agira par exemple des organes à créer, de la récurrence du calcul et l’information qui en découle. 

Article 72-2

Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre.

Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales.

Article 72-2

Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre.

Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources équivalentes au montant estimé de cette augmentation. Les ressources ainsi attribuées pour la compensation des transferts, créations, extensions ou modifications de compétences font l’objet d’un réexamen régulier. Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles les dispositions du présent alinéa sont mises en œuvre.

La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales.