president ok

Responsabilité du Président de la République

— PROPOSITION SUR L’ARTICLE 16 —

Responsabilité du Président de la République dans la mise en œuvre de l’article 16 et contrôle de ses actes.

Rédacteur(s)

QUINART Émilien

Proposition(s)

II. Les missions du Président de la République

11.A Contrôle de la mise en œuvre de l’article 16

Révision de l’article 16 pour imposer la publicité des avis des autorités consultées lors de son déclenchement.

II. Les missions du Président de la République

11.B Contrôle de la mise en œuvre de l’article 16

Révision de l’article 16 pour imposer la nécessité, l’adaptation et la proportionnalité des mesures prises sur son fondement.

II. Les missions du Président de la République

11.C Contrôle de la mise en œuvre de l’article 16

Révision de l’article 16 pour permettre que les mesures prises sur son fondement et relevant du domaine de la loi puissent être déférées au Conseil constitutionnel.

II. Les missions du Président de la République

11.D Contrôle de la mise en œuvre de l’article 16

Révision de l’article 16 pour préciser la responsabilité du Président de la République.

II. Les missions du Président de la République

11.E Contrôle de la mise en œuvre de l’article 16

Révision de l’article 16 pour rendre automatique l’engagement de la responsabilité du Président de la République, après avis du Conseil constitutionnel.

1.  Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif

A l’heure où les crises et les risques – écologique, sanitaire, militaire, nucléaire, terroriste etc. – menacent de toute part, il apparaît utile de conserver au Président de la République l’exercice de pouvoirs véritablement exceptionnels. L’article 16 de la Constitution de 1958 – mis en œuvre une seule et unique fois, du 23 avril au 29 septembre 1961 à la suite du « putsch des généraux » pendant la guerre d’Algérie – pourrait encore trouver à s’appliquer. Lorsque les conditions de son déclenchement sont réunies, cet article confère au Président de la République, investi de la légitimité nationale, le pouvoir sinon le devoir de prendre toutes mesures exigées par les circonstances pour rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.

L’article 16 est parfois apparu comme « inutile et dangereux ». Mais son abrogation n’empêcherait pas – l’histoire constitutionnelle le prouve – le recours praeter et contra constitutionem à des pouvoirs d’exception si les circonstances l’exigeaient. Ces pouvoirs seraient de toute façon validés rétroactivement par le juge, par le Parlement ou par la Nation. Mieux vaut sans doute prévoir et anticiper un régime d’exception dans le texte même de la Constitution. Loin d’encadrer l’usage de l’article 16 (la nécessité est par définition réfractaire à tout encadrement juridique), cette proposition cherche à systématiser la responsabilité du Président de la République, et le contrôle de ses actes, dans la mise en œuvre du dispositif.

Depuis la révision du 23 juillet 2008, le Conseil constitutionnel, saisi éventuellement par le Parlement au bout de 30 jours, peut se prononcer publiquement aux fins d’examiner si les conditions de mise en œuvre de l’article 16 demeurent réunies. Cet examen s’opère de plein droit au terme de 60 jours. Malgré ces avancées, les forces de rappel restent aujourd’hui trop légères : rien n’oblige le Président de la République à rendre politiquement compte de l’exercice des pouvoirs d’exception. Aucun recours direct n’est possible contre les décisions ayant le caractère d’actes législatifs édictées dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 16 (CE, ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens et a., Rec. 143). L’usage éventuellement abusif des pouvoirs d’exception demeure insuffisamment sanctionné1.

1 En 1961, cet abus avait pris la forme d’une excessive durée d’exercice des pouvoirs d’exception : les circonstances ayant justifié le déclenchement de l’article 16 avaient disparu très tôt (le « putsch des généraux » est mâté en une semaine). Le dispositif est pourtant demeuré 5 mois en application.

2. Le remède : la proposition

Pour répondre aux dysfonctionnements et lacunes précédemment identifiées, deux remèdes sont envisagés : clarifier le régime des mesures édictées dans le cadre de l’article 16 (1) ; automatiser la responsabilité du Président de la République en cas d’abus d’article 16 (2).

1°) Clarifier le régime des mesures édictées dans le cadre de l’article 16. Il est opportun de prévoir que ces mesures sont soumises au contrôle du Conseil constitutionnel lorsqu’elles relèvent du domaine de la loi, le cas échéant par la voie d’un recours direct (créer une nouvelle voie d’accès au juge constitutionnel) ouvert à tout justiciable. Il faudrait indiquer que ces mesures doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées au but recherché : rétablir le fonctionnement normal des pouvoirs publics constitutionnels. Ce type de formules figure dans d’autres dispositifs d’exception (v. par exemple, l’article L.3131-15 du code de la santé publique s’agissant du régime de l’état d’urgence sanitaire) et le principe même d’un contrôle juridictionnel n’est pas incompatible avec l’état d’exception (v. par exemple, CE, 6 août 1915, Delmotte, Rec. 275 ; CE, 28 juin 1918, Heyriès, Rec. 651), à charge pour le juge de bâtir un régime spécifique de contrôle. Afin de garantir l’impartialité du Conseil constitutionnel, il convient de supprimer l’avis qu’il rend a priori sur les propositions de décision édictées dans le cadre de l’article 16.

2°) Automatiser la responsabilité du Président de la République en cas d’abus d’article 16. Prévoir explicitement à l’article 16 que le Président de la République est « responsable des actes accomplis dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont reconnus par le présent article dans les conditions prévues à l’article 68 de la Constitution ». Il s’agit de formaliser la responsabilité politique du Président de la République dans l’exercice des pouvoirs d’exception. Cette responsabilité – par nature politique – s’exerce, une fois rétabli le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, devant le Parlement réuni en Haute-Cour. Dans la circonstance où, au-delà de 60 jours d’exercice des pouvoirs d’exception, le Président de la République n’aurait pas mis fin au dispositif de l’article 16 malgré deux avis successifs du Conseil constitutionnel en ce sens, il serait déféré automatiquement devant la Haute-Cour (dès que celle-ci pourra se trouver en état de siéger). Il appartiendrait alors à la Haute-Cour, après avoir entendu les explications du Président de la République, d’apprécier le bien-fondé de sa décision de ne pas suivre les avis du Conseil constitutionnel et, le cas échéant, de le destituer (technique du comply or explain). Dans cette hypothèse, déférer automatiquement le Président de la République devant le Haute-Cour permet de contourner les conditions rigoureuses de majorité (2/3 des membres de chaque assemblée) fixées à l’article 68 de la Constitution.

3.  Les effets escomptés et leur justification

La clarification du régime juridictionnel des mesures prises dans le cadre de l’article 16 permettrait de préserver, non pas l’État de droit, mais une « soupape de sûreté » (les mots sont de L. Aucoc à propos du recours pour excès de pouvoir sous le Second Empire) contre les mesures qui ne seraient manifestement ni nécessaires, ni adaptées, ni proportionnées à la finalité de rétablissement du fonctionnement normal des pouvoirs publics.

L’automatisation de la responsabilité permettrait de donner à voir et d’affirmer solennellement que – dans le constitutionnalisme – il n’y a pas de grands pouvoirs sans de grandes responsabilités. Ce serait mettre en œuvre l’idée de Locke selon laquelle la « rupture de confiance » (breach of trust) par le Prince justifie sa destitution et, en dernier recours, le droit à l’opposition et à la résistance de ses sujets

La proposition rétablit un certain équilibre dans l’exercice des pouvoirs d’exception : 1° mise en œuvre par le Président de la République, représentant politique du souverain ; 2° contrôle juridictionnel a posteriori par le juge ; 3° mise en œuvre le cas échéant de la responsabilité politique du Président de la République par un autre organe politique, la Haute-Cour. Ainsi se trouve garantie la nécessaire unité nationale autour des pouvoirs d’exception.

Article 16

Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.
Il en informe la Nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit.
L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.
Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée.

Article 16

Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après avis rendus publics du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il en informe la Nation par un message. Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Elles sont nécessaires, adaptées et proportionnées au but recherché. Lorsqu’elles relèvent du domaine de la loi, elles peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par tout justiciable dans le délai de 2 mois après leur entrée en vigueur. Le Parlement se réunit de plein droit. L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels. Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. Le Président de la République est responsable des actes accomplis dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont reconnus par le présent article dans les conditions prévues à l’article 68 de la Constitution. Si par deux fois le Conseil constitutionnel rend l’avis que les conditions énoncées au premier alinéa ne sont plus réunies, il appartient au Président de la République de renoncer sans délai aux pouvoirs exceptionnels. A défaut, le Président le Président de la République est déféré de plein droit devant la Haute-Cour.