1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
Sous la Ve République, le droit de grâce permet au Président de la République d’accorder une mesure de clémence qui dispense, en tout ou partie, un condamné de l’exécution de sa peine[1]. Vestige de la tradition monarchique, le droit de grâce fait l’objet de critiques récurrentes, en particulier du fait de son caractère purement discrétionnaire mais aussi en raison du fait qu’il apparaît désormais en partie désuet face au pouvoir croissant des juges de l’exécution des peines. Nicolas Sarkozy avait souhaité que le Comité Balladur lui propose une réforme du droit de grâce, arguant qu’il ne lui paraissait « plus envisageable que l’exercice de ce pouvoir relève du seul Président de la République ». Dans cette perspective, le rapport du Comité Balladur évoquait « l’anomalie » de « la survivance d’un droit de grâce non encadré ». Deux propositions furent émises : la première était la suppression des grâces collectives, tandis que la seconde visait à encadrer davantage le droit de grâce individuel « afin d’éviter certaines dérives qui ont pu choquer la conscience publique », en prévoyant qu’une instance consultative (le Conseil supérieur de la magistrature), donne son avis au chef de l’État avant que celui-ci exerce son droit de faire grâce[2]. Le projet de loi constitutionnelle présenté le 23 avril 2008 reprenait la première proposition et modifiait légèrement la seconde, en prévoyant que l’exercice du droit de grâce pouvait avoir lieu « après avis d’une commission dont la composition est fixée par la loi ». À l’issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, seule la première proposition a été retenue.
Si l’utilité du droit de grâce demeure notamment en raison de sa dimension symbolique (que n’ont pas les remises de peine ou les libérations conditionnelles), une critique demeure encore à notre avis : celle relative à la dimension autocratique du droit de grâce, résurgence pour certains d’une forme d’attribution monarchiste au sein de la République. L’absence de délibération autour de cette prérogative apparaît contraire aux principes démocratiques. L’attribution du droit de grâce au pouvoir exécutif n’est pas unanime (en Suisse, elle appartient, au niveau fédéral, aux chambres parlementaires réunies – assemblée fédérale ; en Roumanie, la grâce collective est attribuée par loi organique).
2. Le remède : la proposition
Il s’agit d’encadrer le droit de grâce en l’externalisant en partie, par la sollicitation obligatoire d’une commission parlementaire mixte paritaire. Les modalités seraient renvoyées à une loi organique et l’on peut se demander s’il serait pertinent d’imposer la publicité des débats. Ce droit présidentiel ne pourrait donc être exercé sans l’avis des représentants. Par ce biais, le droit de grâce serait davantage conforme aux préceptes de la démocratie représentative. Par ailleurs, cet avis pourrait être consultatif ou obligatoire. Les deux propositions sont ici envisagées et soumises à discussion.
3. Les effets escomptés et leur justification
L’objectif de cette proposition est donc de rationaliser le pouvoir du président de la République et de favoriser la démocratisation de la procédure en prévoyant le recours à une instance consultative, à l’instar de la proposition émise par le Comité Balladur. La délibération permettra une meilleure transparence et une plus grande lisibilité des raisons ayant conduit à accorder ou non une grâce sollicitée. Si le risque d’une instrumentalisation à des fins politiques existe, il n’est toutefois déjà pas absent de la procédure actuelle. Une telle procédure aurait le mérite d’être plus légitime démocratiquement en associant ces deux pouvoirs.
[1] Il en résulte, au contraire de l’amnistie (compétence législative prévue à l’article 34 de la Constitution) qui conduit à l’effacement de la condamnation, qu’il n’y a pas d’effacement de casier judiciaire, car la condamnation demeure.
[2] L’article 17 était, dès lors, rédigé comme suit : « Le Président de la République a le droit de faire grâce après que le Conseil supérieur de la magistrature a émis un avis sur la demande ».
Article 17
Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel.
Article 17
Proposition 1 :
Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. Il exerce ce droit après avis conforme d’une commission parlementaire mixte paritaire dont la composition est fixée par une loi organique.
Proposition 2 :
Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. Il exerce ce droit après avis d’une commission parlementaire mixte paritaire dont la composition est fixée par une loi organique.