1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
L’adoption du traité de Lisbonne a permis de renforcer le rôle des parlements nationaux dans le système institutionnel de l’Union européenne, notamment par l’intermédiaire du Protocole n° 1 sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne, qui confère un droit à l’information des parlements nationaux et incite à la coopération interparlementaire, mais aussi et surtout par l’intermédiaire du Protocole n° 2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. En effet, ce dernier octroie un pouvoir de contrôle conséquent aux parlements nationaux en leur permettant d’intervenir pour évaluer le respect du principe de subsidiarité au moment où la Commission européenne projette d’adopter un nouvel acte législatif. Concrètement, une période de huit semaines s’ouvre à partir de la transmission d’un projet d’acte législatif pour permettre aux parlements nationaux de contrôler ce projet d’acte au regard du principe de subsidiarité. Durant cette période, les parlements nationaux peuvent adopter un avis motivé pour signaler le non-respect du principe de subsidiarité par le projet d’acte législatif, étant entendu que chaque parlement national dispose de deux voix, pour en conférer une à chaque assemblée des parlements bicaméraux. Dans l’hypothèse où les avis motivés représentent un tiers du total des voix (et même un quart des voix dans le domaine de l’espace de liberté, sécurité et justice), alors la Commission doit réexaminer sa proposition puis décider de maintenir, modifier ou retirer cette proposition, sous réserve de motiver sa décision. Cette procédure est communément appelée la procédure du « carton jaune », puisqu’elle conduit la Commission à revoir sa proposition. En parallèle de cette première procédure, dans l’hypothèse où les avis motivés représentent une majorité du total des voix (c’est-à-dire plus de la moitié) et que la proposition de la Commission s’inscrit dans le cadre d’une procédure législative ordinaire, alors cette dernière doit réexaminer la proposition. Si la Commission décide de maintenir la proposition d’acte législatif, elle doit alors apporter les éléments démontrant qu’elle respecte le principe de subsidiarité et se justifier auprès du Parlement européen et du Conseil, qui exercent la fonction législative à l’échelle de l’Union. Les deux institutions peuvent alors décider de ne pas donner suite à la procédure et rendre caduque cette proposition. Cette procédure est appelée la procédure du « carton orange ».
Dans les deux cas, les parlements nationaux peuvent contraindre la Commission à revoir une proposition pour assurer le respect du principe de subsidiarité. Il s’agit néanmoins d’un pouvoir de contrôle collectif, qui n’a d’effets que si un nombre significatif de parlements nationaux adoptent des avis motivés mettant en lumière le non-respect du principe de subsidiarité. À l’inverse, un parlement national ne peut a priori rien entreprendre de manière isolée, encore que l’article 8 du Protocole n° 2 rappelle que la Cour de justice, en vertu de sa compétence tirée de l’article 263 TFUE, peut être saisie d’un recours en annulation pour violation du principe de subsidiarité initié par un État membre ou transmis par un État membre au nom de son parlement national ou d’une chambre de celui-ci.
La Constitution intègre ces procédures en son article 88-6 en faveur de l’Assemblée nationale et du Sénat, et il est notamment prévu que l’une ou l’autre chambre puisse solliciter le gouvernement pour introduire un recours en annulation contre un acte législatif, précisément pour violation du principe de subsidiarité. En pratique, cette disposition n’a que peu de succès puisqu’elle n’a jamais été employée, alors même que les deux chambres ont pourtant, à plusieurs reprises, adopté des avis motivés pour s’opposer à une proposition d’acte législatif de la Commission qui a finalement été adoptée. Les conditions dans lesquelles les assemblées peuvent demander à introduire un recours en annulation devant la Cour de justice sont peut-être trop restrictives.
2. Le remède : la proposition
La proposition consiste à modifier l’article 88-6 pour envisager un droit plus large pour les assemblées de saisir la Cour de justice d’un recours en annulation. D’une part, en ne limitant pas ce droit de recours contre les seuls actes législatifs, ce qui est réducteur au regard des autres catégories d’actes normatifs potentiellement adoptés par l’Union, et en ouvrant une action possible contre tout acte juridiquement contraignant de l’Union. D’autre part, en ne limitant pas ce droit de recours au seul motif d’une violation du principe de subsidiarité, mais en envisageant d’autres moyens d’illégalité de l’acte. Ces deux modifications permettent d’ouvrir plus largement les possibilités de recours sur initiative des assemblées.
3. Les effets escomptés et leur justification
Le premier effet est de rendre plus concret et effectif l’article 88-6 pris en son deuxième alinéa, la pratique actuelle ayant montré que la disposition en vigueur n’a pas permis de concrétisation en pratique. Le deuxième effet recherché est une implication plus forte du Parlement dans le contrôle des actes de l’Union, et pas uniquement les actes législatifs. Il s’agit aussi d’un prolongement de cette activité de contrôle et donnant un véritable droit au recours devant la Cour de justice afin de mettre en évidence l’illégalité d’un acte. En définitive, il s’agit de donner un moyen plus important au Parlement de s’impliquer dans le contrôle des activités normatives de l’Union.
Article 88-6
L’Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité. L’avis est adressé par le président de l’assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé.
Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l’Union européenne par le Gouvernement.
À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d’initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit.
Article 88-6
L’Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité. L’avis est adressé par le président de l’assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé.
Chaque assemblée dispose du droit de former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne pour contester la légalité d’un acte juridiquement contraignant adopté par une institution de l’Union. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l’Union européenne par le Gouvernement.
À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d’initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit.