1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
Cinq scrutins directs et républicains ont lieu de façon régulière en France[1] : trois scrutins locaux (élections municipales, départementales, régionales), tous les six ans et à des dates qui leurs sont propres, deux scrutins nationaux (élection présidentielle et élections législatives).
Le décalage de la durée des mandats, entre les mandats locaux et ces deux mandats nationaux, conduit régulièrement à ce que le terme de certains d’entre eux soient reportés, afin d’éviter que plusieurs échéances électorales ne se télescopent. Ainsi, les conseillers régionaux et départementaux élus en 2021 ne seront réélus qu’en 2028 et non en 2027[2] afin d’éviter que ces élections aient lieu la même année que la présidentielle et les législatives (sauf incident de parcours, dû à une vacance de la présidence de la République ou à une dissolution de l’Assemblée nationale). Cette prorogation n’est pas la première du genre et le Conseil constitutionnel, à raison, l’a toujours validée[3], à condition qu’elle reste raisonnable et l’a même recommandée[4].
Parallèlement, depuis l’introduction du quinquennat présidentiel et le rétablissement du calendrier, l’élection présidentielle a lieu quelques semaines avant les élections législatives, la première engendrant un effet d’entraînement sur les secondes. Le Président élu est ainsi assuré d’obtenir la majorité dont il a besoin pour gouverner, fût-elle relative. Le bénéfice en est une pérennisation du fait majoritaire, dont les bienfaits contribuent à la stabilité du pouvoir et du régime. Il ne s’agit pas de le remettre en cause, mais il est nécessaire de renforcer la légitimité propre des députés, sans écorcher la légitimité présidentielle.
2. Le remède : la proposition
Pour cela, il suffit d’élire le Président de la République et l’Assemblée nationale le même jour, tout en alignant la durée de leur mandat sur celles de tous les autres mandats de la République, soit six ans. On y voit un triple avantage.
D’abord, concernant la durée, la prorogation de mandats locaux pour éviter les « télescopages » n’est pas idéale. En alignant la durée de tous les mandats de la République, le problème serait évité. On retient six ans car c’est la durée de quatre des mandats actuels : les trois mandats locaux et le mandat sénatorial[5].
Ensuite, la durée de six ans permet d’organiser les élections locales au milieu des deux mandats nationaux, créant ainsi des mid-terms à la française.
Enfin, élire le même jour le Président de la République et les députés permet de renforcer la légitimité propre de ces derniers, sans écorcher celle du premier. Si la cohérence de l’électeur le conduira assez logiquement à voter pour un candidat aux législatives de même couleur politique que le candidat à la présidentielle qu’il a choisi, il pourra néanmoins nuancer son vote sans être influencé par le résultat d’une première élection naturellement déterminante.
3. Les effets escomptés et leur justification
Regrouper les élections présidentielle et législative ne fera pas disparaître le fait majoritaire, mais permettra de contenir les effets de vague électorale. En 2017, par exemple, rien ne garantit qu’Emmanuel Macron aurait obtenu la même majorité si une telle hypothèse avait été mise en place. S’il s’avérait cependant nécessaire de composer une coalition majoritaire, la Constitution de 1958 rappellerait qu’elle est conçue pour la supporter, ce que confirme d’ailleurs les cas de majorité relative éprouvés dans notre histoire (en 2022, mais aussi en 1988 ou lors de majorités plus composites, au début de la Ve République (sans compter les élections de 1958, on songe à celles de 1967 ou de 1973).
De plus, sans cette influence du résultat de l’élection présidentielle sur les élections législatives, les députés tireront certes toujours leur légitimité en partie du Président qui les aura conduits à la victoire, mais le choix de l’électeur sera plus libre et les seconds pourront également se prévaloir d’avoir directement contribué à la victoire du premier, dans le cadre d’une campagne électorale nécessairement conjointe. L’instant électoral aura bel et bien vocation à désigner un chef politique, assorti d’un soutien variable à l’Assemblée nationale pour mener cette politique.
Ajoutons qu’un tel alignement des élections législatives sur l’élection présidentielle permettrait que toute fin anticipée et inopinée du mandat présidentiel enclenche, de droit, des élections législatives. Il suffirait alors de prévoir que toute vacance ou constat d’empêchement définitif d’un Président en exercice emporte mécaniquement la dissolution de l’Assemblée nationale, dont les élections se tiendraient alors en même temps que l’élection présidentielle. En revanche, la réciproque ne vaudrait pas et cet alignement ne priverait pas le Président de la République de son droit de dissolution, car il lui serait toujours loisible d’y recourir, en cours de mandat, pour discipliner ou sanctionner la majorité. Pour synchroniser à nouveau les deux élections, il faudrait alors prévoir que l’Assemblée ainsi réélue ne le serait que pour la durée du mandat présidentiel restant à courir. Une telle réforme ne présidentialiserait pas davantage notre régime, au contraire : elle contribuerait à corriger les effets, parfois dénoncés, du quinquennat, en limitant l’impact d’une élection sur les autres et en renforçant la légitimité propre des députés.
Enfin, on peut prolonger cette réforme du calendrier électoral de deux autres mesures. En premier lieu, les uns et les autres ne prendraient leurs fonctions que plusieurs semaines après l’élection, afin de disposer d’un temps de transition et de mise en place : sélection de l’équipe gouvernementale, recrutement des conseillers et collaborateurs, préparation des dossiers prioritaires, vérifications nécessaires de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Dès la prise de fonction effective, les nouvelles équipes seraient alors pleinement et immédiatement opérationnelles[6].
En second lieu, dès lors que la durée de tous les mandats est alignée sur six ans, il est également possible de regrouper l’ensemble des élections locales, comme ce fut fait, en 2021, pour les seules élections départementales et régionales. Il y aurait là un triple avantage. D’une part, le regroupement de scrutin favoriserait vraisemblablement la participation. D’autre part, ces trois scrutins pourraient avoir lieu à la moitié des mandats nationaux, faisant ainsi des élections locales les élections de mi-mandat à la française[7]. Enfin, un tel regroupement à mi-mandat créerait un véritable « instant politique local », contribuant à renforcer le pouvoir local et, à travers lui, la décentralisation. Ce serait d’autant plus le cas si une telle réforme se prolongeait d’une réforme du mode de scrutin sénatorial. En effet, si ces élections sont bien « locales », nul ne doute de leur impact « national » : elles influencent la politique nationale qui est conduite, engendrant même parfois un changement de Premier ministre (comme ne 2014, après les élections municipales) et peuvent avoir un impact sur la composition du Sénat.
[1] On excepte les référendums, au caractère irrégulier, ainsi que le scrutin européen (élections au Parlement européen), car il ne relève pas de la République, même s’il obéit à des règles en partie fixées par la République (Décision du Conseil constitutionnel n° 76-71 DC du 30 décembre 1976, Décision du Conseil des communautés européennes relative à l’élection de l’Assemblée des Communautés au suffrage universel direct).
[2] Article 1er de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, JORF du 23 février 2021.
[3] Cf., parmi d’autres, décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013, Loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
[4] Décision n° 2005-22 ELEC du 7 juillet 2005, Observations du Conseil constitutionnel sur les échéances électorales de 2007.
[5] L’alignement de la durée de tous les mandats est présent dans un certain nombre de pays d’Amérique latine, notamment.
[6] C’est ce qui se produit aux États-Unis, mais aussi dans la quasi-totalité des pays d’Amérique latine.
[7] C’est déjà le cas dans d’autres pays, comme au Brésil : tous les mandats durent quatre ans, sauf ceux au Sénat (huit ans), mais il est partiellement renouvelé tous les quatre ans. Les mandats nationaux et fédérés (gouverneurs et juntes) sont entrecoupés d’élections municipales.
Article 6
Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.
Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.
Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique.
Article 6
Article 7
Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour de scrutin, il est procédé, le quatorzième jour suivant, à un second tour. Seuls peuvent s’y présenter les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.
Le scrutin est ouvert sur convocation du Gouvernement.
L’élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du président en exercice.
En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce à l’exception de celles prévues aux articles 11 et 12 ci-dessous, sont provisoirement exercées par le président du Sénat et, si celui-ci est à son tour empêché d’exercer ces fonctions, par le Gouvernement.
En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau Président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l’empêchement.
Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt des présentations de candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidate décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l’élection.
Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil constitutionnel prononce le report de l’élection.
En cas de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels, le Conseil constitutionnel déclare qu’il doit être procédé de nouveau à l’ensemble des opérations électorales ; il en est de même en cas de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats restés en présence en vue du second tour.
Dans tous les cas, le Conseil constitutionnel est saisi dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l’article 61 ci-dessous ou dans celles déterminées pour la présentation d’un candidat par la loi organique prévue à l’article 6 ci-dessus.
Le Conseil constitutionnel peut proroger les délais prévus aux troisième et cinquième alinéas sans que le scrutin puisse avoir lieu plus de trente-cinq jours après la date de la décision du Conseil constitutionnel. Si l’application des dispositions du présent alinéa a eu pour effet de reporter l’élection à une date postérieure à l’expiration des pouvoirs du Président en exercice, celui-ci demeure en fonction jusqu’à la proclamation de son successeur.
Il ne peut être fait application ni des articles 49 et 50 ni de l’article 89 de la Constitution durant la vacance de la Présidence de la République ou durant la période qui s’écoule entre la déclaration du caractère définitif de l’empêchement du Président de la République et l’élection de son successeur. soit, ou d’empêchement constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les fonctions du Président de la République,
Article 7
Article 12
Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.
Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.
L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.
Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections.
Article 12
Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.
Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.
L’Assemblée nationale est élue jusqu’à l’expiration du mandat du Président de la République.
L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.
Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections.
Article 25
Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.
Elle fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu’au renouvellement général ou partiel de l’assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales.
Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
Article 25
Sans préjudice des articles 7 et 12, l’Assemblée nationale se renouvelle intégralement au mois de mars de la sixième année qui suit son élection.
Le Sénat se renouvelle partiellement tous les trois ans, au mois de septembre.
Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.
Elle fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu’au renouvellement général ou partiel de l’assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales.
Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
Article 72
Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.
Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon.
Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences.
Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences.
Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune.
Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois.