1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
Poursuivant l’objectif de revalorisation du rôle du Parlement, la révision constitutionnelle de 2008 a modifié l’article 24 de la Constitution afin d’y faire figurer, expressément, les rôles du Parlement : vote de la loi, contrôle de l’action du gouvernement, évaluation des politiques publiques (EPP).
Les travaux préparatoires relatifs à la révision de 2008 ont fait apparaître la volonté des parlementaires, réelle, de mettre en avant l’EPP. Les travaux montrent aussi qu’elle était considérée comme complémentaire du contrôle de l’action du gouvernement. Une distinction claire entre les deux missions n’a, cependant, pas été effectuée.
Il faut dire que le droit positif, notamment le décret n°90-82 du 22 janvier 1990, définit déjà l’EPP (d’après le texte, l’EPP « a pour objet de rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés« ). Certains de ses acteurs la définissent également : ainsi en est-il de France stratégie, pour qui elle consiste en « toute publication visant à éclairer un champ de politique publique ou la conduite d’une intervention publique et s’appuyant sur une expertise reconnue et sur des données ayant valeurs de preuves (statistiques, témoignages, etc.)« . C’est au regard de ces définitions qu’en pratique la distinction est faite entre les missions d’EPP et de contrôle de l’action du gouvernement.
Pourtant, à l’usage, l’on remarque que cette distinction n’est pas toujours très claire. Ce flou est un des éléments qui explique que la réforme de 2008 ait eu, en matière d’EPP, une portée faible. Faute de poser une définition claire, la réforme n’a en effet pas conduit à mieux organiser l’évaluation, ni en-dehors ni même au sein du Parlement. L’évaluation reste diffuse, ce qui conduit non seulement à ce que cette mission du Parlement soit peu visible, mais encore à ce qu’elle soit concurrencée. En définitive, le Parlement se retrouve dès lors démuni plutôt que revalorisé.
2. Le remède : la proposition
Si l’on veut donner une véritable portée à la révision de 2008, à l’EPP et contribuer à la revalorisation du Parlement, il semble que renforcer son rôle en matière d’EPP est opportun. L’idée de cette proposition, au départ, était donc d’envisager une modification de l’article 24 de la Constitution afin de clarifier la distinction entre le contrôle et l’évaluation. Après réflexion, il nous est apparu préférable de ne rien toucher au texte constitutionnel : la rédaction actuelle nous paraît adaptée et opportune s’agissant d’un texte se devant de rester le plus bref possible.
Par ailleurs, et comme cela a pu être évoqué précédemment, le droit positif livre déjà une définition de l’EPP. Dès lors, plutôt que d’imposer une nouvelle définition, ce qui pourrait créer de nouveaux problèmes au lieu d’en régler, il semble préférable de suggérer de modifier ceux des textes qui organisent concrètement la mission d’évaluation du Parlement. À cet égard sont visés tant les règlements des assemblées que le code des juridictions financières. Pour ce dernier en effet, la révision de 2008 a conduit à l’intégration d’un article L. 132-6 permettant la mise en œuvre de l’aide apportée par la Cour des comptes au Parlement en matière d’EPP. Enfin, il est nécessaire de mettre l’article 47-2 C en conformité avec la l’article 24 C et l’article L. 132-6 CJF, en précisant dans le texte constitutionnel que la Cour des comptes assiste le Parlement dans son rôle d’EPP. Il convient donc de mettre plusieurs textes en « adéquation » avec les modifications envisagées.
Celles-ci portent sur l’organisation de l’EPP au sein du Parlement. Au Sénat, toutes les commissions permanentes sont chargées de procéder tant au contrôle de l’action du gouvernement qu’à l’EPP. Autrement dit : les trois missions dévolues au Parlement par l’article 24C sont étroitement imbriquées dans l’organisation même du travail parlementaire. À l’Assemblée nationale, un Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) a été créé, chargé spécifiquement, pour chaque législature, de procéder tant à de l’EPP qu’à du contrôle. La confusion des missions est ainsi organique.
La proposition ici faite est donc de confier, dans les deux assemblées, la mission d’EPP à une commission, sur le modèle de l’article 88-4 de la Constitution qui serait chargée de cette seule tâche. Cela oblige à modifier les règlements des assemblées.
3. Les effets escomptés et leur justification
Si dans les faits il n’est pas toujours évident faire le départ entre l’EPP et le contrôle de l’action du gouvernement, bien que, de manière générale, l’EPP nécessite une méthode plus scientifique que celle utilisée pour le contrôle (recours à des experts pour parler de technique et du fond, notamment), il semble tout de même préférable d’essayer de distinguer ces deux missions. Une telle clarification permettrait de revaloriser le Parlement et de renforcer, in fine, la qualité de la législation.
En effet, cela donnerait à la fois plus de visibilité et plus de force à la mission d’EPP du Parlement. Il serait ainsi perçu comme étant un acteur indispensable de l’évaluation, surtout face aux autres acteurs publics qui peuvent s’en saisir (pouvoir exécutif et Cour des comptes). Cela permettrait aussi, de manière plus immédiate, de lui donner plus de poids face à la Cour des comptes qui, devant normalement se contenter de l’assister dans sa mission d’EPP depuis la révision de 2008, est jusqu’à présent l’acteur fort de ce « binôme ».
Article 47-2
La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens.
Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière.
Article 47-2
La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement et dans l’évaluation des politiques publiques. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens.
Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière.
Article L. 132-6 CJF
Au titre de l’assistance au Parlement dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques prévue par l’article 47-2 de la Constitution, la Cour des comptes peut être saisie d’une demande d’évaluation d’une politique publique par le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, de leur propre initiative ou sur proposition d’une commission permanente dans son domaine de compétence ou de toute instance permanente créée au sein d’une des deux assemblées parlementaires pour procéder à l’évaluation de politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente.
Les demandes formulées au titre du premier alinéa ne peuvent porter ni sur le suivi et le contrôle de l’exécution des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale, ni sur l’évaluation de toute question relative aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale.
L’assistance de la Cour des comptes prend la forme d’un rapport. Ce rapport est communiqué à l’autorité qui est à l’origine de la demande, dans un délai qu’elle détermine après consultation du premier président de la Cour des comptes et qui ne peut excéder douze mois à compter de la saisine de la Cour des comptes.
Le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, lorsqu’il est à l’initiative de la demande d’assistance de la Cour des comptes, et, dans les autres cas, la commission permanente ou l’instance permanente à l’origine de la demande d’assistance de la Cour des comptes statue sur la publication du rapport qui lui a été transmis.
Article L. 132-6 CJF
Au titre de l’assistance au Parlement dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques prévue par l’article 47-2 de la Constitution, la Cour des comptes peut être saisie d’une demande d’évaluation d’une politique publique par le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, de leur propre initiative ou sur proposition de la commission d’évaluation des politiques publiques.
Les demandes formulées au titre du premier alinéa ne peuvent porter ni sur le suivi et le contrôle de l’exécution des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale, ni sur l’évaluation de toute question relative aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale.
L’assistance de la Cour des comptes prend la forme d’un rapport. Ce rapport est communiqué à l’autorité qui est à l’origine de la demande, dans un délai qu’elle détermine après consultation du premier président de la Cour des comptes et qui ne peut excéder douze mois à compter de la saisine de la Cour des comptes. Le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, lorsqu’il est à l’initiative de la demande d’assistance de la Cour des comptes, et, dans les autres cas, la commission de l’évaluation des politiques publiques statue sur la publication du rapport qui lui a été transmis.
Articles 146-2 à 146-7 RAN
Chapitre VII
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques
Article 146-2
- Il est institué un comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.
- Le comité est présidé par le Président de l’Assemblée. Il comprend également trente-six membres désignés, suivant la procédure fixée à l’article 25, de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.
- Les membres du comité sont nommés au début de la législature et pour la durée de celle-ci.
- Le bureau du comité comprend, outre le Président de l’Assemblée, quatre vice-présidents, et quatre secrétaires désignés parmi ses membres. La composition du bureau du comité s’efforce de reproduire la configuration politique de l’Assemblée nationale. Ne peut être désigné premier des vice-présidents dans l’ordre de préséance qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition.
- Les votes au sein du comité ont lieu dans les conditions définies par l’article 44.
- Le bureau est chargé d’assurer la publicité des travaux du comité. Chaque réunion fait l’objet d’un compte rendu qui est rendu public.
- Le comité définit son règlement intérieur.
Article 146-3
- De sa propre initiative ou à la demande d’une commission permanente, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques réalise des travaux d’évaluation portant sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente.
- Le comité arrête, chaque année, le programme de ses travaux. Ce programme fixe, notamment, le nombre prévisionnel d’évaluations à réaliser. Chaque groupe peut obtenir de droit, une fois par session ordinaire, qu’un rapport d’évaluation, entrant dans le champ de compétence du comité tel qu’il est défini à l’alinéa précédent, soit réalisé.
- Chaque commission concernée par l’objet d’une étude d’évaluation désigne un ou plusieurs de ses membres pour participer à celle-ci. Le comité désigne parmi eux, ou parmi ses propres membres, deux rapporteurs, dont l’un appartient à un groupe d’opposition.
- Pour conduire les évaluations, les rapporteurs peuvent également bénéficier du concours d’experts extérieurs à l’Assemblée.
- La mission des rapporteurs a un caractère temporaire et prend fin à l’issue d’un délai de douze mois à compter de leur désignation.
- Le rapport est présenté au comité par les rapporteurs.
- Les recommandations du comité sont transmises au Gouvernement. Les réponses des ministres sont attendues dans les trois mois et discutées pendant la semaine prévue à l’article 48, alinéa 4, de la Constitution.
- À l’issue d’un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en œuvre de ses conclusions.
Article 146-4
Les conclusions des rapports des missions d’information créées en application du chapitre V de la présente partie ou des rapports d’information prévus par l’article 146, alinéa 3, sont communiquées au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques dès que la publication du rapport a été décidée. Elles peuvent lui être présentées par le ou les rapporteurs.
Article 146-5
Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques peut être saisi pour donner son avis sur les documents qui rendent compte de l’étude d’impact joints à un projet de loi déposé par le Gouvernement. La demande doit émaner du président de la commission à laquelle le projet a été renvoyé au fond ou du Président de l’Assemblée. L’avis du comité est communiqué dans les plus brefs délais à la commission concernée et à la Conférence des présidents.
Article 146-6
Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques est saisi pour réaliser l’évaluation préalable d’un amendement d’un député ou d’un amendement de la commission saisie au fond qui a été demandée conformément à l’article 98-1.
Article 146-7
Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques peut faire des propositions à la Conférence des présidents concernant l’ordre du jour de la semaine prévue par l’article 48, alinéa 4, de la Constitution. Il peut, en particulier, proposer l’organisation, en séance publique, de débats sans vote ou de séances de questions portant sur les conclusions de ses rapports ou sur celles des rapports des missions d’information créées en application du chapitre V de la présente partie ou des rapports d’information prévus par l’article 146, alinéa 3.
Articles 146-2 à 146-7 RAN
Chapitre VII
Évaluation des politiques publiques
Article 146-2
La mission d’évaluer les politiques publiques est confiée à la Commission de l’évaluation des politiques publiques.
Article 146-3
Les conclusions des rapports des missions d’information créées en application du chapitre V de la présente partie ou des Commissions d’enquête sont communiquées à la Commission de l’évaluation des politiques publiques dès que la publication du rapport a été décidée. Elles peuvent lui être présentées par le ou les rapporteurs.
Article 146-4
La Commission de l’évaluation des politiques publiques peut être saisie pour donner son avis sur les documents qui rendent compte de l’étude d’impact joints à un projet de loi déposé par le Gouvernement. La demande doit émaner du président de la commission à laquelle le projet a été renvoyé au fond ou du Président de l’Assemblée. L’avis de la Commission est communiqué dans les plus brefs délais à la commission concernée et à la Conférence des présidents.
Article 146-5
La Commission de l’évaluation des politiques publiques est saisie pour réaliser l’évaluation préalable d’un amendement d’un député ou d’un amendement de la commission saisie au fond qui a été demandée conformément à l’article 98-1.
Article 146-6
La Commission de l’évaluation des politiques publiques peut faire des propositions à la Conférence des présidents concernant l’ordre du jour de la semaine prévue par l’article 48, alinéa 4, de la Constitution. Elle peut, en particulier, proposer l’organisation, en séance publique, de débats sans vote ou de séances de questions portant sur les conclusions de ses rapports ou sur celles des rapports des missions d’information créées en application du chapitre V de la présente partie ou des rapports des commissions d’enquête.
Article 19 bis A RS
CHAPITRE VIII
Rôle d’évaluation et de contrôle des commissions
Article 19 bis A
- – Les commissions permanentes assurent l’information du Sénat et mettent en œuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l’action du Gouvernement, l’évaluation des politiques publiques, le suivi de l’application des lois et celui des ordonnances. Elles contribuent à l’élaboration du bilan annuel de l’application des lois.
- – La commission des finances suit et contrôle l’exécution des lois de finances et procède à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques.
- – La commission des affaires sociales suit et contrôle l’application des lois de financement de la sécurité sociale et procède à l’évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale.
Article 19 bis A RS
CHAPITRE VIII
Rôle de contrôle des commissions
Article 19 bis A
- – Les commissions permanentes assurent l’information du Sénat et mettent en œuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l’action du Gouvernement, l’évaluation des politiques publiques, le suivi de l’application des lois et celui des ordonnances. Sauf la commission de l’évaluation des politiques publiques, les commissions permanentes mettent également en œuvre le contrôle de l’action du Gouvernement. Elles contribuent à l’élaboration du bilan annuel de l’application des lois.
- – La commission des finances suit et contrôle l’exécution des lois de finances et procède à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques.
- – La commission des affaires sociales suit et contrôle l’application des lois de financement de la sécurité sociale et procède à l’évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale.
Article 29 RS
- – Présidée par le Président du Sénat, la Conférence des Présidents comprend les vice-présidents, les présidents des groupes, les présidents des commissions permanentes, les présidents des commissions spéciales intéressées, le président de la commission des affaires européennes ainsi que les rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.
Article 29 RS
- – Présidée par le Président du Sénat, la Conférence des Présidents comprend les vice-présidents, les présidents des groupes, les présidents des commissions permanentes, les présidents des commissions spéciales intéressées, le président de la commission des affaires européennes, le président de la commission de l’évaluation des politiques publiques ainsi que les rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.