1. Les dysfonctionnements ou lacunes du droit positif
On ne s’étendra pas sur les difficultés posées par le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel.
La révision de 2008 pouvait laisser espérer une amélioration. D’une part, l’introduction de la QPC impose aux membres du Conseil une activité plus intense, elle suppose davantage d’engagement de leur part et peut sembler dissuasive à l’égard de celles et ceux qui aspirent essentiellement à une belle fin de carrière. D’autre part, les auditions parlementaires pourraient imposer quelque prudence aux membres pressentis ne présentant pas, de toute évidence, un minimum de qualités afin d’exercer la fonction. Cependant, des nominations récentes ont montré qu’il n’en était rien : le Conseil constitutionnel continue à prêter le flanc à la critique, en raison des conditions de nomination de ses membres.
Il en résulte une faiblesse évidente pour l’institution : les autorités de nomination, qui ont tout à craindre des décisions du Conseil constitutionnel, sont aussi en position, par leurs choix, de saper son image et ainsi d’atténuer le retentissement d’une possible décision défavorable. Le président du Sénat est certainement à mettre à part de ce raisonnement, mais l’absence pour lui de telles causes ne suffit pas à écarter les mêmes conséquences, avec des nominations qui posent réellement question.
2. Le remède : la proposition
Un premier aspect consiste à changer la dénomination et de qualifier de Cour constitutionnelle l’instance chargée de contrôler la constitutionnalité des lois (et de juger des élections nationales). Cette transformation n’est que terminologique, mais elle revêt une dimension symbolique, avec un impact sociologique dans la perception de l’institution. En la qualifiant de Cour, ses membres seront alors considérés comme des juges et l’on attendra alors d’eux l’indépendance qui incombe à tout magistrat. Ils devraient en prendre eux-mêmes la mesure.
Un deuxième aspect concerne la durée du mandat, dont la longueur renforcera l’indépendance. S’il est déjà long (neuf ans), il est plus court que les deux mandats d’un Président réélu. Pour éviter cela, il faut en allonger la durée et la porter à quinze ans. Afin d’éviter alors une gérontocratie excessive, voire de trop nombreux mandats qui ne pourraient être assumés jusqu’à leur terme, il est nécessaire de prévoir une limite d’âge au-delà de laquelle on ne peut pas être nommé (laquelle relève de la loi organique, mais elle pourrait être de 60, 62 ou 64 ans).
Un troisième aspect consiste à réduire la dimension politique de l’actuel Conseil. Pour cela, deux solutions sont proposées. D’une part, compléter les nominations des politiques, par des nominations d’autorités non politiques. Le collège serait ainsi augmenté de trois membres, chacun nommé par les premiers magistrats des trois juridictions que sont la Cour de cassation, la Cour des comptes et le Conseil d’État (ou la future Haute Cour administrative).
D’autre part, si les anciens politiques ont pleinement leur place au sein de l’institution, il faut en limiter la part. Il est ainsi prohibé que plus de la moitié de ses membres aient exercé un mandat national ou des fonctions ministérielles moins de dix ans avant leur nomination. On en profite également pour corriger ce qui pourrait n’être qu’une faute de plume mais qui pourrait permettre qu’actuellement un Secrétaire d’État soit également membre du Conseil constitutionnel.
En matière de nominations, on peut imaginer une multitude de solutions, reposant sur le profil des membres (magistrats, membres du Conseil d’État, universitaires, composition mixte…) ou la procédure elle-même (élection, désignation à choix limité) : elles présentent toutes des avantages et des inconvénients.
Cette proposition se résume à une intervention limitée, dont l’objet est d’imposer aux autorités de nomination d’assumer ouvertement leur choix et d’insister sur la fonction des auditions parlementaires, organisées en application de la procédure de l’article 13 (qui a précédemment été modifiée pour que les auditions aient lieu conjointement devant les deux commissions spécialisées réunies).
Cela repose essentiellement sur la production d’un écrit, motivant la proposition de telle ou telle personne, avec un critère assez évident : faire en sorte que les membres du Conseil soient en position de respecter leur serment, ainsi que de siéger, sans que des motifs totalement prévisibles de récusation ne viennent s’interposer.
Pour rappel, sur le serment : Ord. 7 nov. 1958, art. 3 :
Avant d’entrer en fonction, les membres nommés du Conseil constitutionnel prêtent serment devant le Président de la République.
Ils jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. […]
L’application sincère de ces exigences, qui semblent très modestes, aurait notamment pour effet d’écarter les récents ministres ou autres responsables politiques, le tout en faisant l’économie d’une énumération d’incompatibilités et en laissant une réelle marge d’appréciation aux autorités de nomination.
Le principe qui demeure est ainsi celui d’une confiance à l’égard de ces autorités, censées disposer de discernement. L’évolution tient à un meilleur engagement de leur part, mettant en lumière les fonctions majeures qu’il est question de pourvoir.
On profite de cette évolution de l’article 56 pour écarter les membres de droit. La somme des arguments est suffisamment connue pour ne pas avoir à la rappeler.
3. Les effets escomptés et leur justification
L’identité du Conseil constitutionnel est conservée mais sa position institutionnelle est renforcée, en raison de nominations mieux conçues et d’un processus de désignation plus contraignant, marquant en cela l’importance des fonctions à pourvoir.
Titre VII – Le Conseil constitutionnel
Article 56
Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, trois par le président du Sénat. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable à ces nominations. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée.
En sus des neuf membres prévus ci-dessus, font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République.
Le Président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage.
Titre VII – La Cour constitutionnelle
Article 56
La Cour constitutionnelle comprend douze membres, dont le mandat dure quinze ans et n’est pas renouvelable. La Cour constitutionnelle se renouvelle par tiers tous les cinq ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, trois par le président du Sénat, un par le Premier Président de la Cour de cassation, un par le Premier Président de la Cour des comptes, un par le vice-Président du Conseil d’État. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable à ces nominations. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée.
Ces autorités s’assurent que les membres pressentis disposent des qualités requises afin de se conformer à leur futur serment et qu’ils ne seront pas empêchés de siéger au regard de causes de récusation ou d’abstention manifestement prévisibles. Elles exposent les motifs de leur choix au moyen d’un écrit, publié en amont de l’application à ces nominations de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13.
Les commissions permanentes s’assurent de l’adaptation des choix qui leur sont soumis aux fonctions à pourvoir, à l’issue d’un examen de l’écrit mentionné à l’alinéa précédent et d’une audition de chaque membre pressenti.
En sus des neuf membres prévus ci-dessus, font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République.
Le Président de la Cour constitutionnelle est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage.
Article 57
Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de ministre ou de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par une loi organique.
Article 57
Les fonctions de membre de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec celles de ministre ou de membre du Gouvernement ou du Parlement.
La Cour constitutionnelle ne peut comprendre plus de six de membres ayant exercé un mandat parlementaire ou des fonctions ministérielles dans les dix années précédant leur nomination.
Les autres incompatibilités ainsi que l’âge au-delà duquel nul ne peut être nommé à la Cour constitutionnelle, sont fixés par une loi organique.